Ce n’est plus à prouver, les conséquences des gaz à effet de serre (GES) que nous émettons sont d’ores et déjà palpables. Par rapport à l’ère préindustrielle, la température moyenne mondiale a déjà augmenté de +1°C. L’effet est encore plus marqué en Suisse avec en moyenne +2°C [1] constatés. La température des lacs et des cours d’eau augmente, avec des retombées néfastes pour les organismes aquatiques. Les vagues de chaleur sont plus fréquentes, avec des effets directs sur la santé humaine. Les précipitations sont moins régulières et plus intenses, les glaciers reculent, etc…
Suite à la signature de l’accord de Paris, la Suisse s’est engagée à réduire de 50% ses GES par rapport à 1990 et a décidé de viser un objectif de « zéro émission nette » [2] à l’horizon 2050, contribuant ainsi aux efforts internationaux destinés à limiter le réchauffement climatique mondial à 1.5°C. Afin d’examiner plus en détail les mesures prises et à venir et de les confronter aux objectifs territoriaux et internationaux, le graphique suivant a été élaboré :
En abscisse nous avons les années depuis 1990 (date de référence dans les protocoles de Kyoto et les accords de Paris), en ordonnée positive les émissions de CO2 (en tonnes équivalent CO2) et en ordonnée négative la séquestration de CO2 (en tonne équivalent CO2). Nous y distinguons deux courbes ; la première fait référence aux émissions totales de la Suisse (c’est-à-dire que les émissions liées aux importations ont été comptées tandis que celles relatives aux exportations ont été déduites), et la seconde prenant en compte les émissions territoriales (c’est-à-dire sans les importations mais avec les exportations).
La première loi sur le CO2 [3] a été élaborée suite au protocole de Kyoto, visant à réduire de 20% nos émissions de CO2 par rapport à 1990 d’ici 2020, soit hier. En 2018 environ 16% était atteint, nous pouvons espérer avec l’épisode COVID que l’objectif a été atteint en 2020. Aurait-on pu y arriver sans cette pandémie ?
Après un premier rejet le 11 décembre 2018, la seconde loi sur le CO2 [4] a été adoptée le 25 septembre 2020 au parlement. Je vous propose cet article [5] qui résume efficacement les tenants et aboutissants de cette révision. Actuellement la loi est soumise à des référendums de la part de la « Grève pour le climat » [6], qui juge les mesures insuffisantes, et de la droite et quelques lobbys [7] qui jugent la loi trop contraignante. Bien que critiquable, au vu des délais de mise en œuvre et de l’inertie de notre société, il est à mon sens pire de ne rien faire que de faire mal.
En se penchant sur notre tableau, l’analyse de ces mesures nous permet d’en retirer les conclusions suivantes :
(1) Nous constatons d’emblée que le 60% des émissions de la Suisse sont dues à nos importations et que les objectifs de la confédération ne font référence qu’aux émissions territoriales. Nous comptons donc sur l’esprit bon élève de nos voisins pour atteindre les objectifs climatiques 2050 (les surfaces grises N°6 et 7). En bref, pour notre transition nous allons augmenter notre demande en technologies étrangères (photovoltaïque, éolien, batteries, composant électroniques, etc…), sans nous soucier de son impact.
(2) Pour atteindre les objectifs de 2030, nous admettons que le 25% de nos émissions ne soient pas supprimées mais compensées (surface verte en ordonné positive). Il est clair que cette mesure ne peut être que provisoire dans une vision mondiale à long terme. Je vous invite à découvrir un article de Jean-Marc Jancovici [8] qui traite de ce sujet.
(3) Un objectif « zéro émission nette » à l’horizon 2050 implique une réduction d’environ 80% de nos émissions de CO2 et la séquestration du 20% de CO2 restant. Outre un reboisement, des technologies de séquestration de type CCS (Carbon Capture and Storage) doivent être mises en œuvre. Il faut garder à l’esprit qu’un puit carbone n’est pas sans fond, à un moment ou à un autre ce dernier sera rempli. Ces mesures nous permettent donc d’éviter le pire à l’horizon 2050 mais ne définissent en rien un état d’équilibre durable à un horizon plus lointain. (Pour un ordre de grandeur, les usines de captation de CO2 mondiale retirent 35 Mt(CO2)/an et nous émettons 37 Gt(CO2)/an. A l’heure actuelle, nous séquestrons donc 0.1% de nos émissions totales)
Les défis que nous allons devoir relevés sont considérables. Pour vous donner un ordre de grandeur, il faudrait cumuler la baisse des émissions de CO2 mondiales enregistré durant le COVID, chaque année et jusqu’en 2050. Outre le sujet du CO2, le déclin de la biodiversité, l’artificialisation des sols, le lessivage des terre arables, sont autant de thèmes importants qui doivent être pris en compte dans la planification de notre avenir.
[1] Communiqué : « Changements climatiques en Suisse : rapport sur les causes, conséquences et mesures » – Confédération Suisse – OFEV
[2] Communiqué : « Le Conseil fédéral vise la neutralité climatique en Suisse d’ici à 2050 » – Confédération Suisse – Conseil fédéral
[3] Loi : « Loi fédérale sur la réduction des émissions de CO2 » – Confédération Suisse – Conseil fédéral
[4] Travail parlementaire : « Révision totale de la loi sur le CO2 pour la période postérieure à 2020 » – Assemblée fédérale
[5] Article : « Tout ce que vous devez savoir sur la Loi sur le CO2 » – Blog le temps – Adèle Thorens Goumaz – 28 septembre 2020
[6] Site WEB : « Référendum pour une écologie sociale »
[7] Site WEB : « Rester raisonnable »
[8] Article : « La « neutralité » carbone, drôle de bonne idée ou belle escroquerie ? » – Blog de Jean-Marc Jancovici – 01 janvier 2008